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ESTUDIO MONOGRAFICO 2013
25 septembre 2013

introduction à l'énonciation (serra)

 

 

Cecilia Serra, Inst. de Ling. UniL Introduction à la Linguistique Générale 2005-06 Cours n°11 1

L'ÉNONCIATION

Lecture conseillée: L’énonciation en linguistique française, par Dominique Maingueneau, Hachette, coll. Les Fondamentaux.

Définition: L'énonciation est l'acte de production d'un énoncé par un locuteur dansune situation de communication

(Martin Riegel, Grammaire méthodique du français);

Selon les termes du linguiste français: Émile Benvéniste (1902-1976), le locuteur s'approprie la langue, il y installe sa propre présence; en même temps, "il implante

l'autre en face de lui, quel que soit le degré de présence qu'il attribue à cet autre". Le "degré de présence" variera selon qu'on se trouve dans un dialogue, une situation vivante, ou dans un texte scientifique, théoriquement neutre, mais qui reste une communication.

On distinguera le message d'une part, l'énoncé, et d'autre part, dans l'énoncé et en plus de lui, la présence de celui qui envoie le message, l'énonciation. On oppose (on distingue) énonciation et énoncé comme on oppose fabrication à fabriqué: on étudie l'acte à travers son résultat. Ceci sur plusieurs plans:

A - D'abord, tout ce qui indique, avec des outils grammaticaux, qu'on est dans une situation de communication: c'est le relevé des indices, ou indicateurs, comme les pronoms personnels de la 1ère et de la 2ème personne.

B - Un autre niveau sera d'étudier quelle est l'attitude de l'énonciateur par rapport à celui à qui il s'adresse, ou par rapport au message qu'il délivre.

C - Enfin la communication rapportée, le discours rapporté: c'est-à-dire ce que

devient l'énonciation d'origine quand un second énonciateur rapporte les paroles.

A – LES INDICES GRAMMATICAUX DE L'ÉNONCIATION

Un énoncé quelconque comporte des éléments qui renvoient aux circonstances de son énonciation, qui les reflètent, les réfléchissent: on parle alors de la réflexivité du langage.

Il existe des mots, des expressions, des tournures, dont l'existence même est entièrement subordonnée à la situation de communication, et ces éléments sont statistiquement nombreux dans la parole, et même dans la langue écrite.

DÉFINITIONS

Quelques notions de base sont à définir ou rappeler préalablement. On distinguera trois manières pour les mots ou expressions de trouver leur référent:

* Les termes qui reflètent l'acte d'énonciation sont appelés des embrayeurs (anglais: shifters) parce que ce sont eux qui relient le sens de l'énoncé à la situation réelle. Et ce qui renvoie à la situation réelle est qualifié de déictique.

* Au contraire, un terme qui renvoie à ce qui a été dit auparavant dans le discours est qualifié d'anaphorique; un pronom relatif par exemple est systématiquement anaphorique; un pronom personnel est le plus souvent anaphorique ou déictique).

* Un terme qui trouve son référent dans la suite du discours est qualifié de

cataphorique:

1) Je reviens demain.

2) Tu remettras cet outil là-bas

3) Ça te plairait d'aller au restaurant?

Les pronoms personnels je et tu, déterminent le locuteur ou l'autre personne; l'adjectif démonstratif cet, fait comprendre de quel outil il s'agit, en le désignant; l'indication de temps: demain, ne se justifie que par rapport au moment présent où sont prononcées les paroles; l'indication de lieu: là-bas, se réfère à la situation spatiale de l'énonciateur; et aussi les temps des verbes: le présent reviens à valeur de futur proche, et le futur remettras, ne prennent leur valeur que par rapport au moment présent où sont prononcées les paroles.

Pronoms personnels

* Je -tu - nous - vous

Je désigne le locuteur, celui qui parle. Il se définit par le seul fait qu'il est utilisé.

Tu désigne l'allocutaire, celui à qui parle le locuteur. On peut dire que le tu n'existe que grâce au je: il se définit par rapport à l'énonciateur. Cela vaut également pour le vous de politesse.

Nous désigne le locuteur + l'allocutaire et/ou les allocutaires, et/ou une ou plusieurs tierces personnes (ex: je + tu + il / ils). Nous n'est pas un pluriel de je: ce n'est pas une multiplication d'objets identiques, mais une jonction entre je et le non-je, comme dit

Benvéniste.

Vous désigne les allocutaires (véritable pluriel de tu), ou un ou plusieurs allocutaires + une ou plusieurs tierces personnes.

* Les pronoms de la 3ème personne n'ont pas de valeur déictique. Mais ils

peuvent prendre une valeur déictique quand ils renvoient à une personne présente ou à une chose qui se trouve dans l'environnement du locuteur:

Regarde-le! Comme il est susceptible! (Pagnol)

Remets-le sur son étagère.

* Les pronoms peuvent être utilisés de manière spéciale:

Nous l'avons décidé ainsi, car tel est notre bon plaisir. (d'après Louis XIV) [nous = je}

Eh bien, Madame la baronne, comment allons-nous? (Maupassant) [nous = vous / tu]

Eh bien, Madame Dupont, comment allons-nous?[Milieu hospitalier]

Il est génial! (Alain Delon, parlant d'Alain Delon) [il = je]

Alors, j'ai mis ma nouvelle robe ? (une tante à sa nièce) [je = tu]

Et je te pousse, et je te bouscule [je = il]

Alors? On s'en va comme ça? On ne dit même pas merci? (Sartre) [on = tu / vous]

2) Les possessifs

Adjectifs et pronoms possessifs renvoient également à une personne de conjugaison et se comportent comme les pronoms personnels correspondants;

3) Les démonstratifs

Les pronoms et adjectifs démonstratifs réfèrent souvent à un objet ou à une personne présent(e) dans la situation:

Donne-moi cet outil. / Donne-moi ceci.

Je voudrais acheter cette voiture.

Attention: les démonstratifs s'utilisent aussi de manière non déictique:

J'ai aperçu une Golf GTI: cette voiture a brûlé le feu rouge et emprunté un sens interdit...

Le pronom démonstratif peut encore être déterminé par ce qui suit, une subordonnée relative, ou un complément prépositionnel; il est alors cataphorique:

Ceux (= les locataires) du 3ème étage sont particulièrement bruyants.

Ce dont je vous parle n'a rien à voir avec ce que vous me dites.

4) Certains présentatifs

A rapprocher des démonstratifs, les présentatifs voici et voilà font souvent référence à la situation, et s'accompagnent souvent d'un geste:

Voilà mon mari! vs Voilà ce que j'avais à vous dire

II - LES CIRCONSTANCES

Autre catégorie d'embrayeurs, les indications de lieu et de temps qui ne se définissent que par la situation d'énonciation.

1) Le lieu

* surtout des adverbes, comme:

ici, là, là-bas (ici-bas), céans, là-haut...:

Vous êtes ici chez vous.

Tiens, va me chercher mes lunettes en haut.

Va voir dehors si j'y suis.

* certains adjectifs :

Je vais au supermarché voisin / proche (de moi).

2) Le temps

maintenant, aujourd'hui, à cette heure-ci...

hier, la semaine dernière, l'an passé...;

demain, dans huit jours, dorénavant...

* des adjectifs: actuel, présent, passé, prochain...

Le point de vue de l'énonciateur:

peut être neutre, par exemple dans un écrit scientifique; il n'y a alors pas de présence de l'énonciateur dans l'énoncé; on peut au contraire manifester une attitude, ou bien un sentiment, une distance, une ironie, etc.; il y a alors une très forte présence de l'énonciateur dans l'énoncé. Cela se manifeste par des modalités d'énoncé et d'énonciation. Parmi les différents marqueurs de modalité on trouve:

 

* des adverbes, ou des expressions incises, qui expriment le dégré de certitude du locuteur:

évidemment, probablement, naturellement... / à mon avis, à vrai dire,certainement, peut-être, enfin ...

Certes votre proposition est alléchante, mais enfin combien cela va-t-il me coûter?

Il viendra certainement (il est certain qu'il viendra)

Il viendra rapidement (portée limitée au verbe)

 

* des adverbes qui qualifient l'énonciation:

franchement, assurément, honnêtement,…

Honnêtement, son projet est nul

 

* des adverbes qui qualifient l'énoncé:

heureusement, malheureusement, étrangement,… c'est préférable,…

 

* tous les verbes qui expriment des états mentaux:

a) des verbes qui donnent une orientation émotionnelle

se réjouir, déplaire, se plaire, se désoler, féliciter, ressentir,….

b) des verbes qui signalent que le contenu de l'énoncé s'insère logiquement dans la discussion admettre, déduire, présumer, présupposer, accorder, conclure, assumer,…

c) des verbes qui signalent le degré de crédibilité qui est rattachable à l'énoncé croire, savoir, supposer, penser, considérer, sentir,…

Benveniste (264): [ces verbes] dénotent des dispositions ou des opérations mentales.

En disant je souffre, je décris mon état présent. En disant je sens (que le temps va changer) , je décris une impression qui m’affecte. Mais que se passera-t-il si, au lieu de je sens (que le temps va changer), je dis: je crois (que le temps va changer) ? La symétrie formelle est complète entre je sens et je crois . L’est-elle pour le sens? Puis-je considérer ce je crois comme une description de moi-même au même titre que je sens? Est-ce que je me décris croyant quand je dis je crois (que ...) ? Sûrement non.L’opération de pensée n’est nullement l’objet de l’énoncé; je crois (que...) équivaut àune assertion mitigée. En disant je crois (que...) , je convertis en une énonciationsubjective le fait asserté impersonnellement, à savoir le temps va changer, qui est la véritable proposition.

«j'indiquerai schématiquement pourquoi j'aimerais, sans en être vraiment capable pourl'instant, me passer de la notion générale de modalité: c'est que je crois les mots de la langue incapables, de par leur nature même, de décrire une réalité. Certes les énoncés se réfèrent toujours à des situations, mais ce qu'ils disent à propos de ces situations n'est pas de l'ordre de la description. Il s'agit seulement de montrer des prises de position possibles vis-à-vis d'elles» (Ducrot, 1993 : 128).

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